13 Dec 2023 18:37:31

Le mariage coutumier chez les Godié

Les Godié, un sous-groupe ethnique Dida faisant partie de la communauté Krou, résident principalement au sud-ouest de la Côte d'Ivoire. Les Godiés sont principalement présents autour de Sassandra, ainsi que dans les régions de Sassandra-Lakota et du département de Guéyo. Ils partagent des similitudes culturelles avec les Bété, les Wê et d'autres groupes Krou de la Côte d'Ivoire. 

Le mariage revêt une grande importance dans la vie des Godiés, qu'il s'agisse d'un jeune homme ou d'une jeune fille, car il symbolise un moment décisif dans leur existence. 

Chez les Godiés, aucune cérémonie spécifique n'accompagne la célébration du mariage coutumier.

 Les seules étapes officielles associées à cette union sont d'abord les négociations préliminaires, puis la consommation effective du mariage. La publicité de cette union est une condition essentielle, et c'est là que réside la formalité principale. 

Il est strictement interdit aux Godiés de contracter un mariage coutumier avec une personne appartenant au même clan d'origine.

Le mariage coutumier en pays Godié : les étapes traditionnelles préliminaires

Un homme nommé Akuso envisage de se marier. Après avoir rencontré Keni, il perçoit en elle les qualités de courage et d'honnêteté d'une future épouse idéale. Leur rencontre peut se dérouler lors d'un voyage, par exemple. À son retour, Keni, qu'Akuso considère déjà comme sa fiancée, lui envoie deux assiettes de nourriture. Dans l'une d'elles, elle prépare avec grand soin une sauce à base de viande ou de poisson, tandis que dans l'autre, elle dispose de la pâte de banane pilée, de la purée de banane ou du riz. Les deux assiettes sont enveloppées dans une large serviette de raphia.

Quelques jours plus tard, Akuso, revêtu de son plus beau pagne, est accompagné par un ou deux membres de son clan, sur l'ordre du chef de canton qui a été informé des projets matrimoniaux lors du repas apporté par Keni. Ce petit groupe se rend alors chez le chef de canton de la femme pour lui faire part du désir d'Akuso.

Dans le cas où la demande est acceptée, le jeune fiancé offre un collier de perles blanches à la femme, qu'elle portera pour signifier à tous qu'elle est fiancée, qu'elle a été promise à un mari.

Dans le cas où le prétendant se sentirait timide ou hésitant à faire partie des envoyés du clan de la femme, le chef de son propre clan désigne un homme étranger au clan pour accomplir les formalités traditionnelles. Généralement, ces cérémonies sont planifiées le dimanche pour permettre la participation d'un plus grand nombre de témoins. 

Quant à la femme, elle doit être introduite auprès des envoyés par son propre clan, qui a coutume d'offrir une boisson, comme du vin de palme par exemple, à la fin de la réunion.

Le mariage coutumier chez les Godié : les fiançailles

La cohabitation après le mariage coutumier est généralement précédée par les fiançailles.

La période des fiançailles vise principalement à accomplir les diverses formalités qui expriment le consentement du jeune homme, de la femme et de leurs chefs de clans.

En ce qui concerne l'homme, les fiançailles sont une initiative personnelle car il choisit lui-même sa future femme. Cependant, les formalités préliminaires peuvent être conclues en son nom par son chef de clan, qui décide d'entrer en relation avec le chef d'une femme.

Peu importe l'âge de la femme au moment des fiançailles, le mariage coutumier peut être valable même si la femme était encore impubère. Cependant, dans ce dernier cas, il serait nécessaire que la dot soit suffisante.

Lorsque l'épouse est encore une fillette, elle est considérée chez son mari comme l'enfant de la concession. Elle vit auprès de la mère de son mari, dans la concession de celui-ci. Elle l'assiste dans les tâches ménagères quotidiennes, l'accompagne aux champs et à la rivière, se familiarisant ainsi avec les responsabilités qui seront les siennes une fois mariée, notamment les travaux dans les plantations. De temps en temps, elle retourne rendre visite à ses parents.

En fait, dans la plupart des mariages coutumiers, la femme a généralement atteint l'âge de quatorze ou quinze ans au moment de ses fiançailles.

Le mariage coutumier chez les Godié : la demande en mariage (lekosale)

Si la femme est adoptée d’emblée par la future belle-mère, les jeunes gens peuvent se voir sans difficultés et échanger timidement de petits cadeaux.

Le chef de clan du fiancé décide du jour où il convient d’apporter le vin de palme au clan de la femme ; deux ou trois parents et quelques amis accomplissent cette visite traditionnelle, et lors de cette rencontre, tous partagent et boivent le vin de palme. 

Le lendemain matin, les prémices de la dot, qui sont généralement remboursables, sont présentées. Les parents des fiancés se réunissent pour discuter de la demande en mariage. En guise de remerciement, le chef de clan de la femme offre un animal que le jeune homme abat, et il ajoute quelques poulets pour la préparation d'un festin. Si le chef de clan le souhaite, il peut faire parvenir directement l'animal offert au chef de clan du jeune homme, jusqu'au village de ce dernier.

Le mariage coutumier chez les Godié : le séjour à maison de contrôle des femmes

Autrefois, même si des présents de valeur étaient remis, cela n'autorisait pas encore les fiancés à cohabiter. En effet, toute femme devait d'abord entrer dans une maison d'initiation. Il était impératif de respecter cette coutume, car ne pas le faire aurait pu attirer la colère des ancêtres et entraîner de graves conséquences, comme de graves maladies. Chaque village ou clan avait sa propre maison de contrôle, et le chef de clan veillait à ce que toutes les futures épouses de son clan passent par cette étape. 

En réalité, cette pratique visait principalement à garantir la virginité de la future épouse. 

Dans le cas où il était révélé que la femme placée en observation avait eu des rapports sexuels, elle et son complice étaient condamnés à subir une cérémonie d'expiation publique. Cette cérémonie avait lieu devant quelques parents réunis dans la cour du chef de clan de la future épouse, et les fiancés étaient assis à moitié nus.

Le magicien entamait alors des chants, effectuait des danses et utilisait sa baguette pour infliger de légers coups aux deux coupables, dans le but d'apaiser la colère des mauvais esprits. 

Pendant ces semaines passées dans la maison de contrôle, la future épouse apprenait également à s'enduire d'”ialapki”, une huile de toilette très foncée qui protégeait la peau contre la gale tout en la rendant lisse et brillante. Pendant ce temps, l'émissaire du chef de clan se rendait chez les parents du futur époux pour négocier la dot traditionnelle.

De nos jours, ces coutumes ne sont plus pratiquées.

Le mariage coutumier chez les Godié : la dot

Après les déclarations officielles relatives aux fiançailles, il peut s'écouler un certain temps avant que l'accord pour le mariage ne soit conclu. Les discussions peuvent être prolongées.

Autrefois, le fiancé offrait à ses futurs beaux-parents des pagnes et des manilles, qui étaient des cercles métalliques ouverts aux deux bouts et constituaient la monnaie de la région. Aujourd'hui, il préfère envoyer des billets de banque pour cette même fin.

Après une réflexion approfondie, le chef de clan de la future épouse précise le montant de la dot qu'il souhaite recevoir pour le mariage à venir. L'émissaire du clan de la future épouse annonce alors : "Demain, nous viendrons chercher la dot." La remise de cette dot se déroule généralement chez le futur mari.

Les membres du clan du futur mari apportent lors de cette cérémonie:

  • des moutons
  • des chèvres
  • des poules
  • des canards
  • des ballots étoffés et
  • une somme d'argent.

De nos jours, il est de coutume de faire un décompte détaillé des animaux et des objets qui composent la dot, dans le but d'éventuelles restitutions ultérieures. Cette liste est établie en double exemplaire et mentionne les noms des responsables des deux clans, ce qui permet d'éviter les discussions interminables qui avaient lieu auparavant lors du décompte de la dot. La liste inclut également les noms des témoins pour plus de transparence.

Dès que la femme retourne définitivement chez ses parents, le remboursement de la dot est obligatoire.

En pays Godié, les chefs de clans marient les époux après avoir dépensé une somme considérable, qui varie actuellement entre 90 000 et 120 000 francs CFA en espèces, sans compter les cadeaux tels que des pagnes, des poules, du bétail, des bijoux, des ustensiles de cuisine, des outils agricoles, etc. Ces cadeaux ne doivent pas être négligés par le chef du clan du mari s'il souhaite faciliter la conclusion du mariage. 

Parmi ces cadeaux, certains sont obligatoires, notamment ceux destinés à la mère et au père de la fiancée, ainsi qu'au chef du clan de celle-ci. 

  • Pour la mère, il faut offrir:
  • un ensemble comprenant une camisole et deux pièces qui en sont les compléments et qui doivent être du même tissu qu’elle, 
  • un foulard,
  • une marmite et enfin
  • un poulet.

La mère sacrifie le poulet et l'offre aux dieux bienfaiteurs pour demander leur protection sur sa fille et pour lui souhaiter d'avoir de nombreux enfants. 

Quant au père, il lui faudra:

  • un pagne,
  • une hache et
  • une machette

Le chef de clan reçoit deux pagnes, l'un étant plus grand et plus cher que l'autre, connu sous le nom de "kita", ainsi qu'une hache et une machette comme cadeaux traditionnels.

En conclusion, le mariage coutumier chez les Godié est une cérémonie riche en traditions et en symboles. Il repose sur un ensemble de rituels, de négociations et d'échanges de cadeaux entre les deux familles impliquées. La dot revêt une importance particulière, symbolisant l'engagement et le respect mutuel des deux clans. Les cadeaux offerts lors du mariage sont soigneusement choisis et varient en fonction des personnes à qui ils sont destinés. Bien que certaines pratiques aient évolué au fil du temps, le mariage coutumier reste une étape fondamentale dans la vie des Godié, marquant le début d'une nouvelle vie en couple et le renforcement des liens familiaux et communautaires.